Le discours sur la sexualité, l’alimentation et l’apparence corporelle des adolescentes québécoises durant la décennie 1980 : analyse du magazine Filles d’Aujourd’hui

Abstract

Ce mémoire s’appuie sur l’analyse du magazine pour adolescentes Filles d’Aujourd’hui, première revue de ce genre dans le paysage littéraire du Québec. Nous avons étudié les sections du magazine dédiées à l’éducation à la contraception des jeunes filles, à leur alimentation ainsi qu’aux questions relatives à la sexualité ; en somme, nous nous sommes intéressée à tout ce qui évoquait le corps féminin adolescent. La cadre historique de notre recherche commence en 1980 pour s’arrêter à l’aube de la décennie 1990, car cette période a très peu été investie par les historien.ne.s, et parce que c’est durant ces années que le magazine connaît une grande popularité. Cette recherche à partir d’un échantillon de la presse commerciale des années 1980 nous a permis d’établir que, même avec la possibilité pour cette génération de jeunes de vivre une sexualité détachée de la procréation, le désir féminin est toujours considéré comme suspect ou inapproprié. Malgré la quantité substantielle d’informations sur la sexualité fournie par Filles d’Aujourd’hui, la sexualité féminine est toujours essentialisée et la charge mentale de la contraception, perçue comme une responsabilité exclusivement féminine. En ce qui concerne les passages relatifs à l’alimentation, à la mise en forme et à la nutrition, ceux- ci révèlent que dans la société néo-libérale, la minceur représente un idéal de réussite — particulièrement pour les jeunes filles dont la valeur se mesure à leur apparence physique. Le contenu éditorial place la diète au centre des préoccupations féminines et le corps adolescent est plutôt perçu davantage comme un corps adulte. Filles d’Aujourd’hui présente le corps féminin comme une oeuvre personnelle sur laquelle investir du temps et de l’argent. Enfin, cette recherche s’intéresse à la diffusion d’un discours sur la féminité adolescente, mais ne permet pas d’évaluer l’intégration des messages analysés par les jeunes filles qui représentent le lectorat de Filles d’Aujourd’hui. Ce qui est suggéré ou conseillé dans les pages de la revue n’est pas nécessairement suivi à la lettre par celles qui la consomment. Toutefois, cette étude met en lumière ce que la société québécoise de 1980 pense de la sexualité adolescente et du corps féminin tel qu’il se devrait d’être. L’analyse des échanges entre lectrices et courriéristes permet également un coup d’oeil privilégié sur les préoccupations réelles de ces premières qui, pour la première fois, ont accès à un espace d’échanges de conseils sur les questions les plus taboues.